[Kit de co-conception avec des mineurs – 4/4]
Le kit
■ Mener les recherches préliminaires
■ Mener les ateliers de co-construction
■ Tester les interfaces co-construites
Le kit « Co-construction par et pour les mineurs de parcours utilisateurs » est issu d’ateliers menés dans le cadre de l’élaboration des recommandations de la CNIL sur les droits numériques des mineurs. Cette méthode a permis de produire trois études de cas d’interfaces adaptées aux jeunes.
Les tests utilisateurs permettent d’évaluer les prototypes d’interfaces et de parcours utilisateurs conçus lors des ateliers de co-construction. Ils se font au travers de l’observation de leur prise en main et de leur utilisation par des mineurs.
Construire ses tests utilisateurs
Avant de mener les tests utilisateur, il faut définir des critères pertinents permettant de mesurer la qualité des prototypes ainsi que des scénarios d’usage les mettant en situation pour faciliter l’expression des sentiments et des opinions des mineurs.
Choisir et affiner les parcours et interfaces à tester
À l’issue des ateliers de co-création, de nombreuses interfaces et nombreux parcours ont été conçus et commentés par les mineurs. Ces propositions doivent être retravaillées afin de les affiner et de produire des rendus visuels plus clairs et aboutis afin de les tester. En fonction des ressources et du temps que vous avez à votre disposition, vous pouvez retravailler tout ou partie des propositions issues des ateliers. D’autres éléments peuvent entrer en compte dans la sélection des propositions à finaliser, notamment leur pertinence par rapport à votre contexte propre. Par exemple, si vous avez des enjeux forts autour du recueil du consentement, vous favoriserez sans doute des interfaces et parcours traitant directement de ce sujet.
Par ailleurs, il est préférable de retravailler moins de propositions mais de pousser plus loin leur réalisation que l’inverse. À ce titre, vous pouvez combiner certaines idées de plusieurs propositions issues des ateliers tout en veillant à ne pas déformer les idées originelles.
Recruter des testeurs
Les mineurs avec lesquels vous allez faire les tests doivent appartenir à un groupe d’âge correspondant à celui pour lequel les interfaces et parcours ont été conçus en premier lieu. Faire tester un prototype à l’adresse des 7-11 ans à des 15-17 ans risque de ne pas vous apporter des retours pertinents. Par ailleurs, ces tests ne doivent pas être menés avec les mêmes mineurs ayant co-conçu les prototypes. En effet, leur participation à la conception introduit un biais aux réponses qu’ils formuleraient. Pour trouver des participants pour ces tests et d’autres conseils sur la façon de constituer un panel de testeurs, vous pouvez vous référer à la section « Recruter des participants » de ce kit.
Comprendre le profil, les usages et les pratiques en ligne des testeurs
Dans le cadre des tests, il est important de comprendre d’où parle le testeur et ainsi cerner son profil et ses usages du numérique. Ces informations permettent de mettre en perspective les réponses qu’il donnera sur les interfaces et parcours. Les questions sont à établir selon le contexte de vos prototypes et ne doivent pas être trop nombreuses : y répondre ne devrait pas prendre plus de 2 minutes.
L’expérience D&D : exemple de questions
Pour tester des parcours fait dans le cadre d’un jeu vidéo, les questions préliminaires suivantes ont été posées :
► Quel âge as-tu ?
► Joues-tu souvent aux jeux en ligne ?
► Communiques-tu avec les autres joueurs ?
► Quand tu joues, te sens-tu en sécurité ?
Pour les questions 2 à 4, des réponses à choix unique étaient proposées.
Scénariser les mises en situation
La scénarisation des prototypes vise à observer la façon dont les testeurs se comportent avec une interface en la contextualisant et en donnant des instructions aux testeurs pour recueillir leurs avis. Tout comme pour les prototypes en tant que tels, elle doit prendre en compte l’âge du participant et les connaissances qu’il a des outils numériques. Un mineur situé dans une tranche d’âge 8-10 ans n’aura pas la même capacité d’abstraction et de compréhension qu’un lycéen. Il faut donc adapter le langage et les explications aux testeurs. Par ailleurs, il faut veiller à ce que le scénario soit adéquat à la disponibilité du participant. Une personne disponible sur un court temps peut être sollicitée sur un point précis du scénario (eg. donner son consentement à la création de son compte) alors qu’une personne disponible plus longtemps peut tester l’intégralité du scénario (eg. créer son compte puis paramétrer ses préférences pour son utilisation du service).
L’expérience D&D : exemples de scénarios
Scénario utilisé auprès de mineurs âgés entre 7 et 11 ans pour un jeu sur smartphone.
« Tu veux jouer à un nouveau jeu en ligne dont tout le monde parle à l’école. Tu dois créer ton compte pour pouvoir y jouer. Montre-nous ce que tu ferais dans la vraie vie et expliquenous à haute voix ce que tu comprends ou ne comprends pas. »
Scénario utilisé auprès de mineurs âgés entre 13 et 17 ans pour un réseau social.
« Tu viens de découvrir un nouveau réseau social. Après l’avoir installé et ouvert l’application, tu arrives sur cette page. Montre-nous ce que tu ferais dans la vraie vie et expliquenous à haute voix ce que tu comprends ou ne comprends pas. »
Mesurer et objectiver la qualité des interfaces et parcours
La phase d’observation du test utilisateur peut être complétée par un court questionnaire pour objectiver les prototypes et évaluer selon certains critères leur pertinence par rapport aux usages des mineurs. Pour construire ce questionnaire, il vous faut identifier des critères d’évaluation pertinents : cela peut concerner la facilité d’usage, l’acceptabilité de l’interface, l’utilité perçue, la qualité perçue des informations mises à disposition, etc ; puis formuler les questions correspondantes. Les testeurs donnent leur réponse sur une échelle dont vous définissez les valeurs ce qui permettra d’analyser les réponses dans leur ensemble ensuite. Ils peuvent bien entendu expliquer leur choix.
L’expérience D&D : méthode d’évaluation des interfaces
Pour évaluer les interfaces conçues par les participants aux ateliers, nous avons retenu 4 critères d’évaluation que les enfants devaient noter sur une échelle de 1 à 6 :
► L’utilité perçue : le testeur considère-t-il que l’interface mettant en place un mécanisme en lien avec ses données (eg. gestion de la géolocalisation) est utile ?
► La facilité d’utilisation : le testeur considère-t-il que l’interface mettant en place un mécanisme en lien avec ses données est facile à utiliser ? A-t-il rencontré des difficultés ?
► La satisfaction : le testeur considère-t-il que l’expérience d’usage de l’interface mettant en place un mécanisme en lien avec ses données est agréable ?
► L’efficacité : le testeur considère-t-il que l’interface mettant en place un mécanisme en lien avec ses données lui permet de bien comprendre le traitement de ses données et de bien les maîtriser ?
Chacun de ces critères a été associé à une ou plusieurs questions.
Dans le cas où les testeurs doivent sélectionner une réponse sur une échelle de valeur, il est important de les laisser expliquer leur notation, voire leur permettre de sortir de l’échelle. Cela permet d’enrichir les informations collectées et de comprendre les raisons qu’une interface soit plus ou moins bien notées, et ainsi d’identifier des leviers d’améliorations.
L’expérience D&D : exemple de retour collecté
Alors que la question prévoyait que le testeur estime le niveau d’utilité d’une information sur le traitement de ses données apparaissant dans un bandeau, celui-ci a déclaré ne pas avoir vu le bandeau. Cette remarque amène donc à se questionner sur la visibilité du bandeau et les façons de l’améliorer.
En complément de la notation par critère, des questions de contrôle comme « Peux-tu nous expliquer ce que tu as compris ? » permet de vérifier la précision de la réponse sur l’échelle donnée et de qualifier la différence entre la perception de compréhension et la compréhension réelle. Cela permet de spécifier et enrichir les informations collectées. Par exemple, un testeur peut déclarer avoir eu du mal à comprendre une information affichée mais en lui demandant d’expliquer, il peut apparaître qu’il a une compréhension générale de l’information, même s’il n’a pas compris un terme spécifique.
Mener les tests utilisateurs
Le déroulé des tests reprend les étapes décrites dans la partie précédente. Pour débuter les tests, il est recommandé d’introduire leur contexte puis de poser les questions préliminaires au testeur. La phase d’observation peut ensuite débuter après avoir expliqué en quelques phrases le scénario d’usage. Une fois le parcours terminé, la notation des interfaces selon divers critères peut être faite. Divers moyens peuvent être utilisés pour mener des tests utilisateurs. Ils sont à déterminer en fonction de facteurs tels que le temps, la distance, les lieux et les moyens à disposition. Les test peuvent être menés à distance ou en présentiel.
Tests à distance
Les tests à distance permettent d’interagir avec des personnes physiquement éloignées ou non disponibles pour un test en présentiel. Elles vous permettent
d’avoir des retours à grande échelle en mobilisant des personnes sur l’ensemble du territoire, d’élargir votre panel d’utilisateur et d’assurer une certaine diversité parmi les testeurs.
Pour les mener, il est possible de passer par des solutions dédiées ou d’utiliser des logiciels de création d’interface permettant des interactions à distance combinées à l’utilisation d’une solution de visioconférence. Cependant cette méthode peut présenter des limites techniques (eg. mauvaise
connexion internet) et d’accessibilité (eg. peu ou pas d’accès à un ordinateur ou smartphone) pouvant biaiser le panel de testeurs en faveur de profils à l’aise avec le numérique.
Tests en présentiel
Vous pouvez réaliser des tests en présentiel, notamment en intervenant dans des établissements scolaires, soit lors des classes, soit lors des pauses. Cette approche bénéficie d’un cadre rassurant pour les mineurs et leurs représentants légaux et permet d’avoir un nombre conséquent de testeurs sur une même tranche d’âge. Veillez néanmoins à organiser des sessions dans des établissements appartenant à des zones géographiques différentes afin de vous assurer que les mineurs avec qui les tests sont effectués ne sont pas issus des mêmes milieux sociaux.
Traitement et analyse des données récoltées
Une fois les tests utilisateurs effectués, il est temps d’analyser les données collectées. Cette analyse permet d’établir des pistes d’amélioration ou de valider les prototypes. Pour la réaliser, vous allez rassembler l’ensemble des données issues du questionnaire d’évaluation des prototypes dans un tableur. Avec ces données, vous pouvez réaliser un certain nombre d’opérations statistiques pour chaque indicateur de qualité que vous avez défini, comme par exemple :
► en calculant la moyenne des notes, qui permet d’obtenir une note générale pour chaque indicateur. Néanmoins, le résultat de cette approche statistique
peut présenter des biais et être non représentative lorsqu’une note attribuée est fortement différente des autres.
► en calculant la médiane des notes, qui permet de déterminer la note pour laquelle la moitié des testeurs ont répondu au-dessus et l’autre en-dessous.
► en utilisant des quantiles, qui permet de diviser en groupes de taille égale les réponses des participants. Cette approche est particulièrement pertinente
lorsque vous avez de nombreuses réponses. La valeur du quantile est à déterminer en fonction du nombre de participants.
Pour pouvoir comparer les prototypes entre eux, il est possible de représenter les analyses au moyen de visualisations comme un diagramme en radar sur lequel les moyennes de chaque indicateur sont reportées sur un axe. Cela vous permet de facilement comparer et identifier les points forts et faibles de chaque prototype. C’est à l’aide des données qualitatives – verbatims, prise de notes, explications… – que vous allez pouvoir affiner votre analyse pour ensuite revoir et améliorer les prototypes pour mieux répondre aux besoins et usages réel des mineurs auxquels vous vous adressez.