Instap est un réseau social utilisé quotidiennement par les adolescents de 15 à 17 ans, qui s’y retrouvent pour partager des photos, vidéos et messages avec leur communauté.
Cette étude de cas s’inscrit dans une démarche de recherche du LINC autour du design des interfaces. Les cas traités sont des services fictifs, co-créés avec les participants aux ateliers Données & Design, dont des mineurs. Les solutions envisagées ici ne sont pas des recommandations à copier, mais des illustrations contextuelles de procédés créatifs pouvant inspirer vos services et produits. L’étude ne traite pas l’intégralité du parcours utilisateur et se concentre sur certains points saillants. A ce titre, elle ne couvre pas nécessairement toutes les exigences du RGPD.
Cette étude de cas est le résultat d’une démarche de co-création avec une trentaine d’enfants et d’adolescents, ainsi que de leurs parents, ayant eu lieu entre octobre et décembre 2020. Des focus groups ont d’abord été réalisés pour comprendre et mesurer les usages des outils numériques par les mineurs ainsi que pour évaluer leurs connaissances sur la protection des données personnelles. Des ateliers avec ces mineurs ont ensuite été menés pour concevoir des interfaces fondées sur leurs expériences et leurs usages quotidiens. Ces interfaces ont ensuite été testées auprès d’autres enfants permettant d’avoir un premier aperçu de leur réception.
Contexte du produit
Instap est un réseau social partiellement fondé sur la géolocalisation : elle permet aux utilisateurs de savoir où sont leurs contacts et d’ajouter automatiquement la localisation à leurs publications. Cette donnée est également utilisée pour faire parvenir des contenus éditoriaux personnalisés basés sur la localisation de l’utilisateur, ce qui par exemple permet de pousser les contenus postés par les amis les plus proches physiquement. Le réseau social propose par ailleurs un « mode fantôme » qui permet de rendre invisible sa localisation à ses amis.
La géolocalisation est une donnée pour laquelle les adolescents participant au focus group disent être vigilants. S’ils ont moins de gêne à partager leurs photos avec un cercle élargi de connaissances, ils déclarent préférer que leur géolocalisation soit partagée avec peu de personnes. C’est pourquoi les adolescents apprécient ce « mode fantôme ». Cependant, ils oublient ou ne comprennent pas que le réseau peut continuer à avoir accès à leurs données de localisation, même lorsqu’ils pensent avoir limité la visibilité de celle-ci grâce à ce type de mode.
Dans ce contexte, comment rappeler activement aux mineurs la façon dont ils ont paramétré la visibilité de leurs données de géolocalisation et la façon dont ils peuvent contrôler cette fonctionnalité ?
Parcours utilisateur et moments clés
La géolocalisation dans une application peut se révéler assez invisible aux yeux de l’utilisateur, dès lors que celui-ci a déjà activé sa géolocalisation sur son smartphone. Son activation s’effectue le plus souvent au moment de l’inscription sur un service – avec un écran dans lequel l’information et les finalités auront été précisées – sans être rappelée par la suite à l’utilisateur. Les adolescents participant à l’atelier de co-conception ont donc souhaité pouvoir revenir aux paramétrages au cours de leur usage du réseau social et ainsi rendre l’activation de la géolocalisation plus évidente. En particulier, ils se sont souciés de :
- la rapidité pour réaliser l’action de paramétrage à travers une information activement amenée sans qu’ils aient besoin de chercher l’information ou le paramétrage. En effet, les focus groups ont montré que les mineurs s’intéressent aux données personnelles à condition que l’information leur soit poussée et qu’elle s’insère de façon fluide dans leurs usages des outils numériques ;
- la clarté des actions mises à disposition, en associant une information concise à une action précise aussi bien qu’en informant sur les conséquences qu’un choix peut avoir.
Rapide et clair
Pour reprendre au mieux les codes des interactions implémentées dans les réseaux sociaux, les participants aux ateliers de co-création ont proposé d’utiliser un système de notifications pour leur rappeler ponctuellement que la géolocalisation est activée.
Outre la mise à disposition active de l’information, les mineurs ont souhaité pouvoir agir suite à celle-ci en mettant en place des boutons d’action. L’information est ainsi reliée directement à une action.
Approche proposée
La portée des choix
Cette logique de lier une information à une action se retrouve sur l’interface dédiée au paramétrage du partage de la géolocalisation. Lors des ateliers de co-création, le fait de présenter l’information et les moyens d’action sur une seule page était ressorti comme un critère essentiel pour faciliter l’exercice des droits par les mineurs. Ainsi, les deux options de paramétrage – dont l’état est indiqué par des boutons poussoirs reprenant les codes habituels de conception d’interfaces – sont expliquées en de courts paragraphes mettant en avant les points clés (comme par exemple qui aura accès à la localisation). Les adolescents ont insisté pour que cette information reflète au mieux les conséquences de leurs choix, par une explication claire de l’utilisation de leurs données.
Les adolescents ont également indiqué lors des focus groups et des ateliers qu’ils préféraient que le tutoiement soit utilisé pour s’adresser à eux. Associé à un style direct, il permet de comprendre plus aisément les conséquences et la portée de leurs choix. Organiser en blocs courts et distincts les uns des autres l’information aide également sa bonne compréhension par les mineurs.
Approche proposée
Limites
Les tests menés avec 5 adolescents âgés de 15 à 17 ans ont montré que l’information délivrée était clairement comprise et que la proposition bénéficiait d’une grande acceptabilité : les adolescents étaient particulièrement réceptifs à l’effet « alerte » de la notification, qui les sensibilise à la possibilité de revenir aux paramétrages après la première inscription. Pour autant, des tests à plus large échelle seraient souhaitables pour également évaluer l’impact concret de ce design dans la maîtrise qu’ont les adolescents de leurs données. Il faut également rester vigilant à ne pas surcharger les utilisateurs de notifications leur demandant de (re)paramétrer leurs préférences, au risque de créer une « fatigue du paramétrage ».